Début 2021, le Parc naturel régional du Haut-Jura lance une ambitieuse opération de restauration du bon fonctionnement de la Bienne sur le site des anciennes carrières de Jeurre. Une opération exceptionnelle sur 1km de cours d’eau qui allie différents enjeux liés à la fois à la morphologie de la rivière, à la qualité des milieux naturels, au risque inondation … et qui démontre l’intérêt d’une action transversale et d’ampleur.
Après 12 mois de travaux, la Bienne à Jeurre retrouve doucement son espace de liberté et dessine déjà des bras secondaires. Le lit mineur (lit en eau) réagit également très bien avec de nouvelles alternances de faciès et une diversité des matériaux plus intéressante. Il faut désormais laisser le temps faire son œuvre !
Au cours des 150 dernières années, la Bienne a connu de nombreux bouleversements liés à l’activité humaine. Au XIXème siècle, il y a d’abord eu la suppression des blocs du cours d’eau à l’explosif pour laisser passer les bateliers qui déplaçaient sur l’eau les arbres coupés à destination de Lyon. Plus tard, ce sont les premiers barrages, comme celui d’Etables construit en 1930 pour la production d’électricité, qui ont bloqué le transport des sédiments d’amont en aval, créant ainsi une incision du lit de la rivière.
Au XXème siècle, la canalisation du cours d’eau s’est prolongée avec la construction de digues, de grands ouvrages (ponts), de seuils pour les usines ou encore l’enrochement de certaines berges destiné à limiter l’érosion. Tous ces travaux ont fortement réduit la mobilité de la rivière, c’est-à-dire sa capacité à faire évoluer naturellement son lit au fil des crues et à dissiper son énergie. Il faut ajouter à cela la pollution chimique liée notamment à l’activité industrielle qui a fait sensiblement baisser la qualité de l’eau de la Bienne.
Depuis les années 1950, l’extraction des graviers dans le lit mineur est venue renforcer cette tendance.
Aujourd’hui le tracé du cours d’eau n’évolue quasiment plus et son lit s’est enfoncé de près de 2,50 mètres par endroit. La communication avec les milieux humides latéraux est ainsi très faible, et on observe une baisse de diversité des espèces et milieux naturels présents sur ce site classé Natura 2000.
La Bienne à Jeurre en 1938, des bancs de matériaux actifs et un lit majeur disponible dans son intégralité |
La Bienne exploitée par l’entreprise Perrier en 1984 |
La Bienne à Jeurre en 2015 |
Après l’arrêt de l’extraction des matériaux sur les carrières de Jeurre et Lavancia en 2015, et face au constat de dégradation de la rivière, le Parc naturel régional du Haut-Jura a souhaité s’emparer des enjeux de ce site. Une étude a d’abord été menée par l’Université de Lyon pour comprendre de manière précise le fonctionnement de ces sites. Suite à cette étude, le Parc, accompagné par le bureau d’études Artelia, a élaboré une opération de restauration du bon fonctionnement écologique de la Bienne sur ces sites en commençant par le site de Jeurre. Les travaux se sont déroulés tout au long de l'année 2021.
la Bienne à Jeurre retrouve doucement son espace de liberté et dessine déjà des bras secondaires. Le lit mineur (lit en eau) réagit également très bien avec de nouvelles alternances de faciès et une diversité des matériaux plus intéressante. Il faut désormais laisser le temps faire son œuvre !
Cette opération d’envergure a donc concernée 1 km de cours d’eau et plusieurs dizaines d’hectares de terrain. Elle allie, avec une ambition forte, réduction du risque de capture par les anciennes gravières et restauration maximale de l’Espace de Bon Fonctionnement, en poursuivant plusieurs objectifs :
… tout en préservant les autres usages du site, au profit des populations riveraines.
La capture du lit mineur par une gravière à l’occasion d’une crue constitue un cas extrême au cours duquel le trajet de l’écoulement est définitivement modifié. La capture survient quand il se produit une connexion en un point amont et en un point aval entre la gravière et le cours d’eau, associée à un déplacement du lit mineur dans la gravière.
La réglementation relative aux dispositions prévues dans l’arrêté ministériel du 24 janvier 2001 modifiant l’arrêté du 22 septembre 1994, spécifiques aux gravières définit des « espaces à risque de capture de la rivière » (risque de déplacement du lit mineur) étant admis que la capture d’un cours d’eau par une gravière peut avoir des effets hydrauliques et géodynamiques très négatifs :
Le foncier de ce site était complexe. Une petite partie communale avec aussi du domaine public fluvial et du domaine privé au nord ; de la pêche sur certains plans d’eau mais peu réglementé (à cheval entre domaine public et privé, ou entièrement privé) ; une réserve de chasse en partie sud (le long de la route) ; une plateforme privée, unique accès du site…
Dans le cadre des travaux, le Parc a rachèté les gravières jusqu’à lors privées, en dehors de la plateforme qui reste privée. En effet, l’entreprise Perrier est reprise par Jura Sud Terrassement qui conserve la plateforme pour une activité de tri/concassage/recyclage de matériaux. L’ensemble du projet doit donc respecter ce choix de conserver une activité sur ce site. Un accès communal sera réalisé (jusqu’à maintenant inexistant car le site est entièrement privé), évitant un accès via la plateforme.
Dans un deuxième temps, le site sera rétrocédé à l’euro symbolique par le Parc à la commune et des obligations réelles environnementales mises en place. L’ensemble des acteurs (pêcheurs, chasseurs, état, commune…) seront conviés pour échanger sur le devenir du site et les modalités de gestion.
Contact Parc : Romain BELLIER
Cette opération est réalisée par le syndicat mixte du Parc naturel régional du Haut-Jura, qui en assure la maitrise d’ouvrage au titre du Grand cycle de l’eau et de la compétence GEMAPI.
Elle s’intègre dans le cadre du contrat Haute-Vallée de l’Ain et de l’Orbe signé avec l’Agence de l’Eau Rhône Méditerranée Corse.
La maitrise d’œuvre est assurée par Artelia / CD Eau Environnement.
Le montant des travaux est de 1 067 221 € TTC dont les financements se répartissent ainsi :
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