Depuis 2018, des attaques de scolytes d’ampleur épidémique touchent le Nord-Est de la France. Les régions Grand-Est et Bourgogne-Franche-Comté sont particulièrement atteintes. Les scolytes, qui sont-ils ? Les scolytes sont une famille de coléoptères xylophages de petite taille. Le scolyte typographe (Ips typographus) s’attaque aux Epicéas et il est particulièrement dévastateur. Les femelles fécondées creusent des galeries sous l’écorce et y déposent leurs œufs. Après l’éclosion les larves se développent perpendiculairement de part et d’autre de la galerie principale ce qui forme un schéma caractéristique [photo]. Le développement des insectes détruit des cellules permettant la circulation de la sève ce qui provoque la mort de l’arbre. A chaque génération les scolytes se multiplient rapidement, une femelle peut pondre jusqu’à 80 œufs.
Les scolytes sont des parasites secondaires, ils s’attaquent aux arbres affaiblis (par la sécheresse par exemple). Cependant, à un niveau épidémique, ils peuvent attaquer des arbres sains. Ces derniers ont des mécanismes de défense mais si le nombre d’attaques devient trop important, l’arbre ne peut plus lutter.
Dans le paysage, les groupes d’arbres atteints depuis un certain temps sont facilement repérables grâce à la couleur des houppiers rouges ou gris selon l’ancienneté de l’attaque. [photo DSF foyer]. Dans ce cas, les scolytes se sont déjà envolés et ont colonisé d’autres arbres. Il est compliqué de détecter précocement les scolytes. La couleur des houppiers est un indice intervenant trop tardivement. Des indices plus discrets comme la présence de sciure rousse par exemple permettent de détecter une attaque récente.
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Les conséquences des attaques de scolytes
Les attaques de scolytes ont un impact négatif sur la valeur commerciale des Epicéas. Cependant si les bois sont exploités rapidement, ils conservent leurs qualités mécaniques. L’attaque s’accompagne souvent du développement d’un champignon qui provoque un bleuissement du bois. Ce champignon ne détériore pas les qualités mécaniques mais la couleur qu’il procure au bois rend sa commercialisation difficile pour certains usages. L’ampleur de la crise a provoqué une saturation du marché et une baisse des prix de l’Epicéa
Dans les lieux fréquentés, la présence d’arbres scolytés pose des problèmes de sécurité. Situés au bord des routes ou des chemins de randonnées par exemple, les bois secs sont peu stables et risquent de tomber.
D’un point de vue environnemental, les bois scolytés non exploités représentent des quantités importantes de bois mort. Ce dernier a un rôle essentiel pour la biodiversité forestière et il est souvent peu présent dans nos forêts. Certaines espèces caractéristiques pourraient tirer profit des bois scolytés. Les raisons d’une telle intensité des attaques
Plusieurs facteurs favorisent le développement des scolytes. Les températures hivernales étant moins rudes qu’autrefois, la mortalité au cours de cette saison est donc moins conséquente. De plus, les tempêtes hivernales plus fréquentes créent des chablis et donc des habitats potentiels pour les scolytes. Enfin, le climat chaud et sec au printemps permet un développement rapide des scolytes et des envols précoces. |
Photo : Brigitte Mesnier, correspondant-observateur DSF![]() |
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Les scolytes s’attaquent en priorité aux arbres affaiblis qui ont alors plus de difficultés à se défendre. Les plantations d’Epicéa en plaine datent principalement de la période du Fonds Forestier National et ne sont pas situées à leur optimum écologique (trop bas en altitude). De ce fait, elles ne sont pas adaptées aux périodes de sécheresse que nous connaissons aujourd’hui. De plus, les plantations monospécifiques sont souvent plus vulnérables aux attaques de scolytes. Ainsi, les Epicéas de plaine sont voués à terme à disparaître.
A l’inverse les pessières situées au-dessus de 900 mètres sont en temps normal peu exposées aux scolytes. Du fait de l’altitude (peut-être aussi la structure des peuplements), les attaques sont rares et peu intenses. Cependant la pression en plaine est telle que ces pessières sont aujourd’hui menacées. Contrairement aux plantations de plaines, les pessières d’altitude ont un avenir et une valeur patrimoniale certaine. Ainsi l’effort de lutte sanitaire doit être concentré sur ces zones.
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Photo : Thierry Durand, DSF |
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Comment lutter ?
Pour lutter efficacement contre la propagation des scolytes, les bois atteints doivent être exploités avant que la nouvelle génération s’envole. Il faut entre six et dix semaines pour que le scolyte effectue son cycle de développement. Les premiers signes d’attaque doivent donc être détectés le plus rapidement possible. Ils sont très discrets et il est donc nécessaire de parcourir le peuplement pour repérer les atteintes. L’exploitation des bois identifiés doit ensuite être très rapide. Cela requiert une organisation parfaite entre les différents acteurs. Les bois peuvent être exportés puis commercialisés ou écorcés et laissés sur place. Il n’est pas nécessaire de bruler les écorces pour éliminer les scolytes. De même les scolytes se développent majoritairement sur les bois de diamètre supérieur à 20 cm, les rémanents d’exploitation ne sont donc pas problématiques. Enfin, les bois secs peuvent rester en forêt car les scolytes attaquent les bois verts.
Pour les exploitations des Epicéas non atteints, il faut également évacuer le plus vite possible les bois fraichement exploités afin d’éviter que les scolytes viennent se développer dans les grumes.
Dans les territoires les plus touchés, des arrêtés de lutte obligatoire sont mis en place pour obliger les propriétaires à lutter contre la propagation des scolytes en exploitant leurs bois atteints rapidement. L'étude menée par le Parc
Dans cette perceptive, la DRAAF (Direction régionale de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Forêt) et FIBOIS Bourgogne-Franche-Comté ont mandaté le Parc naturel régional du Haut-Jura pour étudier, en concertation avec l’ensemble des acteurs du territoire, la faisabilité de la mise en place d’un dispositif permettant la détection et la neutralisation précoce des attaques de scolytes. Le but est d’essayer de limiter la propagation des insectes afin de protéger les pessières d’altitude
L'étude de faisabilité a ainsi permis de confirmer l'intérêt des acteurs pour déployer un tel dispositif en forêt privée sur un périmètre allant de 800 à 1200 m d'altitude. Les premières bases d'organisation du dispositif ont pu être posées autour de la sensibilisation des propriétaires privés, la détection précoce des foyers de scolytes et l'organisation de chantiers pour "neutraliser" le risque scolyte avant l'essaimage. Compte-tenu des difficultés rencontrées pour dimensionner le dispositif, le Centre Régional de la Propriété Forestière, FIBOIS et l'association Pro ETF Bourgogne-Franche Comté ont proposé de mettre en place des actions "test" en 2021 pour préciser les modalités opérationnelles de déploiement du dispositif en 2022.
Ainsi, la prospection a été renforcée sur certains secteurs, des travaux ont été menés pour tester l'identification des foyers par télédetection et une bourse des travaux "bûcherons-pompiers" sera bientôt mise en place.
Par ailleurs, la question de la valorisation des bois scolytés est régulièrement soulevée. Actuellement, FIBOIS est partenaire d'une étude portée par le FCBA pour mieux caractériser les qualités technologiques des bois "bleus" et ainsi apporter des informations utiles à l'aval de la filière pour une meilleure valorisation de ces bois.
Télécharger la fiche de présentation de l'étude Télécharger la fiche de synthèse de l'étude
Pour en savoir plus
http://draaf.bourgogne-franche-comte.agriculture.gouv.fr/Sante-des-forets
http://draaf.auvergne-rhone-alpes.agriculture.gouv.fr/Sante-des-forets
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