Grand Tétras
Habitant des forêts jurassiennes, le Grand Tétras est une espèce phare du massif. Il est cependant en déclun sur le territoire, menacé par la fragmentation de son habitat et le dérangement. Ce Galliforme fait donc l’objet de mesures de conservation depuis de nombreuses années. Le Parc naturel régional du Haut-Jura fait partie des acteurs de sa conservation.
Carte d’identité du Grand Tétras
Le Grand tétras est un galliforme de la famille des Phasianidae. Il représente le plus gros galliforme sauvage européen. Le dimorphisme sexuel est important. Ainsi la femelle est très reconnaissable du mâle.
Grand Tétras mâle / Coq | Grand Tétras femelle / Poule | |
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Envergure | 115 à 130 cm | 95 à 100 cm |
Poids | 3.5 à 4.5 kg | 1.5 à 2.2 kg |
Plumage | noir avec quelques reflets bleu-violacet ou vert sur le plastron | Rousse avec le ventre barré de blanc et noir |
Ne pas confondre Grand Tétras et Tétras Lyre
Habitat du Grand Tétras
L’aire de répartition du Grand tétras s’étend sur une majeure partie du nord de l’Eurasie. Les mouvements de populations durant les épisodes glaciaires et l’éloignement géographique entre massifs forestiers ont favorisé l’émergence de deux clades distincts. En France, ils sont représentés par la sous-espèce T. u. aquitanicus (Clade A) dans les Pyrénées et par la sous-espèce T. u. major (Clade B) dans les Vosges et le Jura (Duriez et al 2008).
Le Grand tétras est un oiseau forestier. Il affectionne tout particulièrement les forêts résineuses claires et étagées. La structuration de ces forêts permet un apport conséquent de lumière sur la strate herbacée et facilite son développement. Cette strate basse revêt un rôle majeur. Elle prodigue la ressource alimentaire, principalement constituée de myrtille. Elle fournit également une couverture protectrice pour la nidification et l’élevage des jeunes.
Dans le Massif du Jura, la gestion en futaie jardinée a permis de maintenir des habitats favorables à l’espèce sur une grande partie du territoire. Les milieux intra-forestiers (clairières) et les pré-bois (interface entre milieu forestier et milieu ouvert) apportent une hétérogénéité appréciée par l’oiseau.
La situation de l’espèce
Le Grand Tétras en France
Depuis les années 1980, les effectifs régressent de manière continue sur le territoire national. Son aire de répartition a fortement diminué, notamment dans les massifs des Vosges et du Jura. A partir de ce constat, les actions de connaissances et de protection de l’espèce ont été mises en place. En France, et plus largement en Europe de l’Ouest, la situation des différentes populations est négative pour certaines et critiques pour d’autres.
Pyrénées | Jura | Vosges | Cévennes | |
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Sous espèce | T. u. aquitanicus | T. u. crassirostris (anciennement T. u. major) | ||
Taille de la population | ~4000 individus (2021) | ~278 individus (2020) | <10 individus (2022) | 2 individus (2023) |
Taux de déclin depuis 10 ans (depuis 2010) | -11.1% | -19.2% | -78.6% | NA |
Le Grand Tétras sur le massif du Jura
Depuis les années 1970, les effectifs jurassiens ont fait l’objet d’estimations à intervalles irréguliers. La première estimation qui fait référence est celle de Couturier en 1964. L’effectif mais aussi l’aire de répartition étaient alors bien plus importants qu’aujourd’hui.
Dès 1975, les comptages de l’Office national de la chasse attestaient d’une régression nette. La création de différentes structures environnementales depuis les années 1990 a permis d’obtenir les chiffres annuellement. En effet ces structures assurent le suivis des populations.
La dernière estimation du nombre de Grand Tétras atteste d’une dynamique toujours aussi négative. Le Groupe Tétras Jura comptait 278 oiseaux pour la population du Haut-Jura en 2021.
Cette baisse des effectifs de la population s’accompagne d’une forte réduction et fragmentation de l’aire de présence de l’espèce. Deux dynamiques sont à l’oeuvre sur le territoire :
- Le maintien des noyaux cœurs du Parc
- La Haute-Chaîne du Jura et le plateau de Champfromier dans l’Ain ;
- Les massifs forestiers du département du Jura (Risoux, Massacre, Bois de Ban et des Arobiers, Mont Noir et Joux devant) ;
- Le Massif du Risol, Noirmont, Mont d’Or dans le Doubs ;
- Le déclin très important des massifs périphériques : le Grand Colombier, le Plateau du Retord, la Forêt de Viry, les Hautes-Combes, le Bois du Bevet, la Chaux du Dombief, le Chapuzieux, le Mont Noir (Doubs), la forêt de Levier, le Larmont, le Risoux (Doubs).
La conservation de l’espèce
Historique et outils locaux de conservation
Le Grand tétras fait l’objet de mesures de conservation depuis de nombreuses années dans le Massif Jurassien. Suite au constat de la baisse d’effectifs, la première mesure a té l’interdiction de chasse sur cette espèce en 1974. Avec la création du Parc naturel régional du Haut-Jura, du Groupe Tétras Jura et de la Réserve naturel national de la Haute-Chaîne du Jura l’espèce a pu bénéficier d’une attention supplémentaire.
Cela se traduit rapidement par la mise en place d’Arrêtés préfectoraux de protection de biotope (à l’initiative de l’État) sur des massifs forestiers centraux de la population (Risoux, Massacre, Haute-Joux, Mignovillard) https://www.bourgogne-franche-comte.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/appb_forets_altitude_haut-jura_vspq_cle2f9a1f.pdf ). Ces arrêtés visent principalement à protéger l’espèce de la fréquentation anthropique durant la période sensible de l’hiver. Le programme Life « Tétraonidés » (1992-1997) a permis d’étudier spécifiquement les facteurs limitants pour l’espèce à l’échelle du Massif Jurassien. La rédaction d’un guide de sylviculture et sa mise en place font aussi partie des actions majeures de ce programme.
La création du réseau de sites Natura 2000, au début des années 2000, favorise la mise en place d’actions en faveur de la conservation de l’espèce. La totalité de ces sites sont animés par le PNR du Haut-Jura, facilitant la cohérence des mesures appliquées. En 2015, le Conseil départemental de l’Ain initie un plan d’action en faveur des tétraonidés. Ce plan permettra la mise en place de nombreuses actions (suivi, étude, travaux forestiers, quiétude, communication) sur une durée de trois ans. Ce plan est notamment à l’origine de la mise en place du protocole de suivi hivernal grâce à l’analyse génétique des échantillons récoltés. La RNNHCJ a coordonné et initié la réalisation de ce protocole, puis la totalité du Massif a pu profiter de ce suivi sous la coordination du GTJ. Ce suivi représente la base du travail sur la génétique des populations réalisé par l’Université de Fribourg.
Une stratégie nationale d’action déclinée localement
L’État initie en 2012 la rédaction d’une stratégie nationale d’actions en faveur du Grand tétras. Afin de permettre une adaptation des mesures aux enjeux locaux, il a été décidé de décliner ce plan à l’échelle des différents massifs. Les Vosges et le Jura ont fait le choix de porter la rédaction et l’animation d’un document conjoint : la déclinaison régionale Vosges-Jura du Plan national d’actions Grand tétras. Pour le massif du Jura, c’est le Parc qui assure l’animation de ce document. En 2023, l’animation de ce document a pris fin et un bilan a été réalisé. Ce bilan, présentait au Conseil National de Protection de la Nature, a été validé et permet le renouvellement d’une stratégie nationale qui devrait voir le jour en 2024. (mettre un lien vers le bilan ? il est ici sur le réseau :
L’animation de ce document a permis la réalisation de nombreuses actions réparties en cinq volets :
- Connaissance de l’espèce et de la dynamique des populations : ce volet regroupe les actions de monitoring (comptages sur place de chants, protocole génétique hivernal, etc…) et les études valorisant les résultats de ces comptages (étude sur la génétique des populations, modèle de viabilité de la population, etc..)
- Protection et conservation de l’habitat du Grand tétras : l’objectif de ce volet est la protection de l’habitat forestier de l’espèce. Cette protection passe par des actions ciblées sur la gestion forestière (accompagnement des propriétaires et gestionnaires pour la prise en compte des enjeux « grand tétras » dans leurs choix de gestion, réalisation de travaux forestiers pour la conservation d’un habitat de qualité, etc…) et par la protection réglementaire, ou non, des habitats utilisés (mise en place et surveillance des zones réglementées, animation locale pour l’émergence d’actions volontaires, travail avec les acteurs du « tourisme » pour éviter les pratiques trop impactantes pour l’espèce, etc…) ;
- Réduction des facteurs de dérangements et de la mortalité d’origine anthropique : les actions sont ciblées sur la protection de la quiétude de l’espèce aux périodes sensibles (hiver et printemps principalement), sur la réduction des causes de mortalité directes de l’espèce (colissions avec les câbles des remontées mécaniques et les clôtures forestières ou agricoles) ;
- Formation, information et éducation du grand public, des élus, des propriétaires et des professionnels : la conservation de l’espèce passe par un travail important de communication et de sensibilsation. Ce volet regroupe toutes les actions réalisées en ce sens (animation grand public ou destinées à un public spécifique, formations auprès de publics professionnel comme les accompagnateurs en moyenne montagne, etc…) ;
- Gouvernance : ce volet comprend l’animation du document et la recherche de financements. Il est difficilement visualisable mais il est à la base de toutes les actions réalisées dans le cadre de ce document.
Après cinq ans d’animation pour le Massif du Jura, le bilan est mitigé :
- D’un côté positif, avec l’investissement des différents acteurs et l’engagement de nombreuses actions sur le massif pour la protection de l’espèce ;
- D’un côté négatif, avec la tendance de la population qui reste négative, signe que les facteurs de régression ne sont pour l’instant pas suffisamment endigués pour stopper la perte des populations.
Il convient aujourd’hui d’être honnête et d’affirmer que les résultats n’ont pas toujours été à la hauteur des enjeux : l’objectif à court terme de la stratégie, qui visait la stabilisation des populations n’a pas été atteint. Il est grand temps de replacer l’enjeu de préservation de cette espèce au premier plan : la prochaine stratégie sera déterminante pour la survie de la population jurassienne. Une dynamique est en cours sur plusieurs massifs pour faire du lien entre les acteurs de la protection de l’espèce. Ce lien est fondamental pour avancer dans l’objectif de conservation de l’espèce Tetrao urogallus à l’échelle de sa population. Cette conservation passe évidemment par des actions sur chaque massif, mais il apparaît aujourd’hui fondamental de relever cet enjeu à une échelle géographique plus importante, correspondant à l’aire de répartition de l’espèce Tetrao urogallus.
Bibliographie
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- GTJ, 2021, Statut et répartition. Le Grand Tétras dans le massif jurassien. Rapport. 56 p.
- Ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du Logement, 2012, Stratégie Nationale d’action en faveur du grand tétras 2012-2021. 174 p.
- Peyric A., Poudré L., Daniélo S., Veret J., 2017, Déclination régionale pour le massif des Vosges et du Jura 2018-2022. 220p.
- Leclercq, B., et Menoni, E., 2018, Le Grand tétras – biotope editions 352 p.